Joseph Déjacque
De l’être humain mâle et femelle
1857
Article mis en ligne le 10 avril 2011
dernière modification le 29 janvier 2015

par Eric Vilain

A propos de cet article, avons reçu le commentaire suivant d’un lecteur :

Bonjour.
L’indication selon laquelle l’instauration de la dictature bonapartiste aurait été à l’origine de l’exil de Déjacque est inexacte. Comme ici rappelé il fut inculpé à cause de son recueil de poésies "Les Lazaréennes" mais surtout, condamné à deux ans de prison le 23 octobre 1851 soit plusieurs semaines AVANT, le coup d’Etat du 2 décembre. D’où son exil, facilité par l’éditeur, qui avait était condamné solidairement et dans un premier temps, fit appel -dont ensuite il se désista...
Autant mettre les points sur les i, vu ce qui s’imprime encore de nos jours en milieu universitaire : en réalité le prince-président Louis-Napoléon n’avait déjà plus beaucoup de libertés à confisquer, au moment du coup d’Etat du 2 décembre.
Cordialement

Joseph Déjacque, biographie

Source : http://fra.anarchopedia.org/Joseph_Déjacque

Joseph Déjacque (né le 27 décembre 1821 et mort en 1864 à Paris), militant et écrivain anarchiste, a créé le néologisme libertaire, par opposition à libéral, dans son pamphlet De l’Être-Humain mâle et femelle – Lettre à P. J. Proudhon publié en 1857 à la Nouvelle-Orléans. « Ouvrier-poète » selon un modèle né dans les milieux saint-simoniens de la Monarchie de Juillet et authentique prolétaire, Joseph Dejacque a écrit lors d’un long exil de dix ans en Europe puis aux Etats-Unis consécutif au coup d’État du 2 décembre 1851 une oeuvre abondante et emportée qui restera longtemps méconnue dans son pays d’origine malgré le succès du mot qu’il a inventé.

« Peinture et collage de papier »

« Joseph Déjacque, ouvrier et décorateur, 17 White street, New-York. » : dans le journal qu’il fait paraître à New-York entre 1858 et 1861, Joseph Déjacque n’hésite pas à insérer, en dépit des opinions qu’il y affiche sur la société qu’il côtoie, une petite annonce pour proposer son travail, nous révélant la condition de celui qui fut un des rares prolétaires des premiers penseurs de l’Anarchie. Au prix de difficultés matérielles dont il se plaint à plusieurs reprises, 27 numéros sortent, entièrement de la composition de l’auteur qui y alterne critique sociale et politique, pamphlets et essais théoriques, pièces de théâtre aussi.
C’est l’instauration de la dictature bonapartiste qui a conduit Déjacque en Amérique. Incarcéré en août 1851 après la publication d’un recueil de poésies jugées subversives et contraint à quitter la France, il se réfugie d’abord à Bruxelles puis à Londres, avant de rejoindre la petite communauté de proscrits regroupés à Jersey. Le 26 juillet 1853, il prononce un discours lors de l’enterrement d’une proscrite du Belleville populaire, morte dans la misère, prenant la parole après Hugo l’orateur désigné en assemblée générale des proscrits.

Installé à New-York à partir de 1854, durablement marqué par la défaite de 1848, Joseph Déjacque dénonce violemment dans ses écrits l’injustice de la société dans laquelle il vit et en particulier l’exploitation et les conditions de vies misérables des prolétaires. Il appelle à la révolution sociale tout en désirant sauvegarder la liberté, la « souveraineté individuelle » :

« Privilégiés ! – pour qui a semé l’esclavage, l’heure est venue de récolter la rébellion. Il n’est pas un travailleur qui, sous les lambris de sa cervelle, ne confectionne clandestinement quelques pensées de destruction. Vous avez, vous, la baïonnette et le Code pénal, le catéchisme et la guillotine ; nous avons, nous, la barricade et l’utopie, les sarcasme et la bombe. » (L’Humanisphère, utopie anarchique.)

Ses réflexions sur l’existence individuelle dans le monde industriel et capitaliste l’amènent à élaborer une théorie originale de l’universalité et à prôner une politique anarchique intransigeante qu’il expose notamment dans L’Humanisphère, utopie anarchique (New-York, 1857) et dans divers textes qu’il publie dans Le Libertaire.

« Élevez la voix contre cette exploitation de la femme par l’homme. Dites au monde que l’homme ne pourra désembourber la révolution, l’arracher de sa fangeuse et sanglante ornière qu’avec l’aide de la femme ; que seul il est impuissant. Dites à l’homme et dites à la femme qu’ils n’ont qu’un seul et même nom comme ils ne font qu’un seul et même être, l’être humain ; qu’ils en sont, tour à tour et tout à la fois, l’un le bras droit et l’autre le bras gauche. Dites-leur encore qu’à cette condition seule ils pourront percer les ombres qui séparent le présent de l’avenir, la société civilisée de la société harmonique. » (Joseph Déjacque, De l’être humain mâle & femelle, Lettre à P. J. Proudhon.)

Profitant de l’amnistie, Déjacque rentre en France en 1861. « Il est mort, fou de misère, à Paris en 1864 » note Gustave Lefrançais dans ses Souvenirs d’un révolutionnaire.

Au panthéon des grands absents

« Plus près de nous, Dejacque, un prolétaire de talent, et Cœurderoy, un négateur paradoxal et éloquent qui maria, dans sa Révolution par les Cosaques, le saisissant pessimisme de Herzen et la pandestruction de Bakounine. C’était en 1854. Ni Cœurderoy ni Déjacque n’eurent d’écho dans le parti révolutionnaire. »

Benoît Malon, dans « le Socialisme Intégral » (La Plume n° 91 – 1893) situe Déjacque, en compagnie de l’étrange Ernest Cœurderoy, qu’il connut, en bonne place dans une aussi brève que précise généalogie de l’anarchisme militant de son époque, « fils légitime de la propagande bakouniniste ». Deux ans plus tard Sébastien Faure fonde avec Louise Michel un nouveau journal, intitulé Le Libertaire qui consacre le succès du terme. L’époque qui chérissait la propagande par le fait ne pouvait que se reconnaître dans la prose enflammée de Déjacque. Il reste cependant peu lu et la note que lui consacre l’auteur de l’article assez évasive : « Principal rédacteur du Libertaire et auteur de l’Humanisphère, productions parfois incorrectes, mais pleines de souffle et de chaude et généreuse inspiration ». Voilà à peu près ce qu’en retiendra le siècle suivant.
Au XXe siècle, ses textes ne font l’objet que de quelques rares rééditions partielles, l’Institut International d’Histoire Sociale d’Amsterdam conservant l’unique collection complète du Libertaire connue, avant que ses œuvres complètes (à l’exclusion de sa poésie) soient éditées en 2003 sur Internet.

Œuvre écrite

  • Les Lazaréennes, fables et poésies sociales, Paris, Chez l’Auteur, 37 rue Descartes, In-8. 47 p., 1851
  • Discours prononcé le 26 juillet 1853 sur la tombe de Louise Julien, proscrite, Almanach des Femmes, Women’s Almanach for 1854, Londres-Jersey, 1853-1854
  • La question révolutionnaire, New-York, 1854
  • De l’être-humain mâle et femelle. Lettre à P.J. Proudhon, La Nouvelle-Orléans, 1857
  • Les Lazaréennes, deuxième édition, Nouvelle-Orléans, 1857
  • Béranger au pilori, La Nouvelle-Orléans, 1857
  • L’Humanisphère, utopie anarchique, New-York, 1857
  • Le Libertaire, Journal du mouvement social, New-York, juin 1858 à février 1861, 27 numéros de 4 pages
  • Le Circulus dans l’Universalité, n° 8 et 9, 1858-1859
  • L’autorité — La Dictature, n° 12, 1859 (rééd. in A bas les Chefs !, Champ libre, 1971)
    L’Organisation du travail, n° 22, 24, 26, 1860
    Lettre à Pierre Vésinier, 1861