Gaston Leval
Pratique du socialisme libertaire (1959)
Article mis en ligne le 15 octobre 2011

par Eric Vilain

Pratique du socialisme libertaire de Gaston Leval fut écrit en 1959. L’écrasement de la révolution espagnole ne datait que de vingt ans. Rappelons que l’auteur se trouvait en Espagne à cette époque-là et il a longuement observé les réalisations économiques qui ont alors été mises en chantier.

L’une des leçons qu’il tira le l’échec de cette révolution est celle-ci, qui le marqua durablement :

« Le perfectionnement des techniques de combat de l’État et des forces de conservation modernes ne permet plus d’espérer que le peuple soit à même de vaincre, par la force des armes, contre les tanks, les avions de bombardement, l’artillerie moderne, les bombes H et les fusées téléguidées. »

En 1959, le déséquilibre des forces entre la classe ouvrière et paysanne et la bourgeoisie s’était encore accru. Il lui paraissait évident qu’il fallait que les forces révolutionnaires fassent un effort pour réinventer des modalités d’action mieux adaptées.

Ne vivant pas dans une sorte de schéma obsessionnel de répétition de la révolution à laquelle il avait assisté et participé, Leval savait bien qu’une situation où le mouvement libertaire se trouverait hégémonique avait peu de chances de se répéter.
Les travailleurs auraient à faire face à un gouvernement hostile, qu’il soit de gauche ou de droite, et à d’autres forces politiques cherchant à imposer leurs propres options socialistes. C’est pourquoi, dit Leval,

« L’existence d’une force ouvrière, organiquement constituée en un monde autonome, qui imposerait à un gouvernement issu d’une situation révolutionnaire son existence comme nouvelle réalité de l’histoire, en prenant en main l’économie, ou la plus grande partie possible de l’économie et obligerait, par sa puissance, l’État à traiter avec elle et à la respecter, est une hypothèse parfaitement plausible. »

En outre, le processus révolutionnaire se déroulerait par étapes lors desquelles « se produiraient des avances ou des reculs » : « Tout dépendrait de la force respective des deux adversaires. »
Il faut encore compter sur l’éventualité où seraient au pouvoir des partis réactionnaires, « appuyés par des forces de répression bien organisées ». Sans négliger la « conjoncture politique et économique internationale ».

Ces remarques, destinées à avertir le lecteur qu’on ne s’engage pas dans une révolution sociale à la légère, sans avoir pesé toutes les conséquences, ne mènent pourtant pas au pessimisme. Gaston Leval reste dans le registre du possible.

La société que Leval décrit en 1959 n’est pas la même qu’aujourd’hui. C’est sans doute lorsqu’il décrit la situation de la paysannerie que ses propos sont le plus éloignés de la réalité actuelle.

Il reste que le schéma général de son texte peut encore largement servir de fondement à une réflexion moderne sur la révolution dont il serait temps que le mouvement libertaire international se rende compte qu’elle doit être longuement préparée et organisée.

Eric Vilain