LA RÉVOLUTION RUSSE ET L’INSTITUTION RÉVOLUTIONNAIRE
René Berthier
Article mis en ligne le 5 novembre 2011
dernière modification le 6 novembre 2016

par Eric Vilain

Introduction

On n’en aura sans doute jamais fini de parler et d’écrire sur la révolution russe. Elle fut un des événements les plus marquants du XXe siècle. Bien qu’on puisse considérer que c’est de « l’histoire ancienne », et malgré la tendance regrettable de l’époque actuelle qui considère inutile de connaître le passé, les événements de 1917 en Russie constituent encore aujourd’hui un sujet de réflexion incontournable pour quiconque s’intéresse aux formes institutionnelles adoptées par le mouvement populaire, mais aussi aux formes qu’il pourrait adopter dans l’avenir.

La révolution russe a posé toutes les questions, soulevé tous les problèmes. Elle a mis en œuvre un ensemble étonnant d’instances dans lesquelles la classe ouvrière, mais aussi la paysannerie, a tenté à la fois de survivre et d’assurer son avenir :

• Les coopératives, dont on ne parle jamais mais dont un important réseau s’étendait sur le pays ;

• Les soviets, une institution totalement étrangère au projet social-démocrate, et que les bolcheviks ont tout d’abord tenté d’occulter parce qu’ils faisaient concurrence au parti ;

• Les comités d’usine ;

• Les syndicats ;

• Et évidemment les partis politiques.

A l’exception des partis, qui sont des structures affinitaires, toutes les autres institutions constituent, peu ou prou, des structures de classes constituées naturellement par le mouvement populaire pour répondre à des objectifs concrets qui ne relèvent pas de l’opinion.

Or, l’examen des événements montre que les partis politiques se sont évertués à assujettir systématiquement ces structures de classe qu’ils n’ont pas créées, se comportant ainsi comme de véritables parasites.
La domination d’un seul parti sur l’Etat qui s’est créé à la suite du coup d’Etat d’Octobre – à laquelle quelques bolcheviks se sont opposés – a conduit très rapidement à la mise en place d’un système totalitaire au sein duquel très rapidement aucune voix discordante n’était permise.

Ceux des militants syndicalistes ou politiques européens qui ont donné leur soutien à ce régime ont feint d’oublier que la Tchéka fut créée en décembre 1917 et que dès la fin de 1918 le mouvement ouvrier russe était écrasé et que toutes les institutions qu’il avait créées avaient été détruites ou se trouvaient contrôlées par des fonctionnaires nommés par l’Etat.