♦ Lettre de Proudhon aux ouvriers en vue des élections de 1864 (8 mars 1864)
Suivi de la « Lettre de Proudhon à quelques ouvriers de Paris et de Rouen qui l’auraient consulté sur les élections » (Décembre 1864)
Article mis en ligne le 31 janvier 2009
dernière modification le 26 février 2009

par René Berthier

LETTRE DE PROUDHON AUX OUVRIERS EN VUE DES ELECTIONS DE 1864

[/Passy, 8 mars 1864./]

Aux Ouvriers [1],

Citoyens, vous me demandez ce que je pense du Manifeste des Soixante ouvriers qui a paru dans les journaux ? Vous désirez surtout savoir si, après vous être prononcés en mai dernier contre toute espèce de candidature, vous devez persévérer dans cette ligne, ou appuyer, en raison de la circonstance, l’élection d’un camarade digne de vos sympathies. Je ne m’attendais pas, je vous l’avoue, à être consulté par qui que ce fût dans une pareille affaire. Je croyais le mouvement électoral épuisé, et ne songeais, dans ma retraite, qu’à en amortir autant qu’il pouvait dépendre de moi les effets déplorables. Mais puisque, par des considérations qui me semblent toutes personnelles, votre confiance en mon opinion a cru devoir, pour ainsi dire, me mettre en demeure, je n’hésite point à répondre à votre question, d’autant moins que ma pensée ne saurait guère être autre chose que l’interprétation de la vôtre.

Assurément, je me suis réjoui du réveil de l’idée socialiste ; qui donc en ce moment, dans toute la France, aurait le droit de s’en réjouir plus que moi ? Assurément, je suis d’avis, avec vous et avec les Soixante, que la classe ouvrière n’est pas représentée et qu’elle a droit de l’être : comment pourrais-je professer une autre opinion ? La représentation ouvrière, n’est-ce pas, aujourd’hui comme en 1848, au point de vue législatif, politique et gouvernemental, l’affirmation du socialisme ?

On vous dit que depuis 89 il n’y a plus de classes ; que l’idée des candidatures ouvrières tend à les rétablir ; que, si l’on peut admettre à titre de candidat un ouvrier, comme on admet un marin, un ingénieur, un savant, un journaliste, un avocat, c’est autant que ledit ouvrier sera, comme ses collègues, l’expression de la société, non d’une classe à part ; qu’autrement la candidature de cet ouvrier aurait un caractère rétrograde, illibéral, dangereux même, par les méfiances, les alarmes, l’hostilité qu’elle ferait naître dans la classe bourgeoise.

C’est ainsi que raisonnent, sans même s’apercevoir qu’ils se contredisent, les adversaires du Manifeste. Mais c’est justement, selon moi, par son caractère de spécialité, et comme manifestation d’une classe ou caste, je ne recule pas devant le mot, que la candidature ouvrière a de la valeur ; hors de là elle perdrait toute signification.

Quoi ! il n’est pas vrai, en dépit de la Révolution, que la société française se divise foncièrement en deux classes ; l’une, qui vit exclusivement de son travail, et dont le salaire est généralement au-dessous de 1.250 francs par an et par famille de quatre personnes, somme que je suppose être la moyenne approximative du produit de la nation ; l’autre, qui vit d’autre chose encore que son travail, quand elle travaille, qui vit du revenu de ses propriétés, de ses capitaux, de ses dotations, pensions, subventions, actions, traitements, honneurs et bénéfices ? Il n’est pas vrai, à ce point de vue de la répartition des fortunes et des produits, qu’il existe parmi nous, comme autrefois, deux catégories de citoyens, vulgairement nommés bourgeoise et plèbe, capitalisme et salariat ? Mais toute notre politique, notre Économie politique, notre organisation industrielle, notre histoire, notre littérature, notre société reposent sur cette distinction que la mauvaise foi et une sotte hypocrisie paraissent seules nier.

La division de la société en deux classes, l’une de travailleurs salariés, l’autre de propriétaires-capitalistes-entrepreneurs, étant donc indubitable en fait, la conséquence ne doit surprendre personne ; c’est que l’on a dû de tout temps se demander si cette distinction existait aussi de droit ; si elle était dans les données de la nature, conforme à la justice ; s’il ne serait pas possible de la faire cesser, ce qui veut dire d’opérer la fusion des classes ; en deux mots, si, par une meilleure application des lois de la justice et de l’économie, on ne parviendrait pas à abolir une distinction funeste que tout homme de cœur voudrait voir effacée ?

Cette question, qui n’est pas nouvelle, est ce que l’on a appelé de nos jours question sociale : le SOCIALISME ne contient rien de plus.

Eh bien ! que disent les Soixante ? Ils sont convaincus, pour leur part, que la question sociale peut être résolue dans le sens de l’affirmative ; ils observent, avec modération et avec fermeté, que depuis assez longtemps elle a été écartée de l’ordre du jour, que le moment est venu de la reprendre ; à cet effet, ils posent, comme signe ou gage de cette reprise, la candidature de l’un d’entre eux ; qu’en raison de sa qualité d’ouvrier, et précisément parce qu’il est ouvrier, ils jugent pouvoir représenter mieux que personne la classe ouvrière.

Et l’on accuse ces hommes de viser au rétablissement des castes ? On voudrait les éliminer de la Représentation nationale comme rétrogrades et professant des opinions dangereuses, on va jusqu’à dénonçer leur Manifeste comme une excitation à la haine des citoyens les uns contre les autres ! La presse fulmine, l’opposition prétendue démocratique fait éclater son mécontentement, on crie à l’importunité, à l’imprudence, que sais-je ? On signale à la police ! On demande, avec une affectation de suprême dédain, si les Soixante ont la prétention de connaître mieux leurs intérêts et leurs droits, de les mieux défendre que MM. J. Favre, E. Olivier, Marie, Pelletan, J. Simon, etc. ? Dérision...

Je suis donc, jusqu’ici du moins, tout à fait d’accord avec vous, citoyens, et avec les Soixante, et je vous sais gré de n’avoir pas supposé un seul instant que je pusse être d’un autre sentiment que le vôtre. Oui, la distinction des classes dans notre France démocratique existe de fait, et il n’est pas du tout prouvé que ce fait soit fondé en droit, bien qu’il n’y ait aucunement lieu de l’imputer à personne. Oui, la Représentation nationale a été jusqu’à présent, excepté en 1848, le privilège de l’une de ces classes ; et, à moins que les représentants émanés de la susdite classe ne s’engagent à bref délai d’opérer la fusion demandée, la justice, le sens commun, le suffrage universel, exigent que la seconde de ces classes soit représentée comme l’autre, proportionnellement au chiffre de sa population. En élevant une telle prétention, les Soixante ne font point injure à la bourgeoisie, ils ne la menacent pas, ils se posent vis-à-vis d’elle comme des cadets en face de leurs aînés, ils lui disent :

« Depuis une quarantaine d’années, l’anomalie dont nous nous plaignons s’est développée, au sein même de la bourgeoisie, de la façon la plus inquiétante ; là aussi une division s’est produite, plus difficile peut-être à déterminer, mais non moins réelle. La bourgeoisie n’est plus homogène ; il y a ce que l’on appelle la haute bourgeoisie ou féodalité financière, mercantile et industrielle, et la petite bourgeoisie ou classe moyenne inclinant de plus en plus au salariat. C’est surtout à cette dernière, c’est à vous, classe moyenne, avec qui nous sommes davantage en contact, que nous nous adressons. Vos intérêts sont les mêmes que les nôtres, votre cause est la nôtre, votre condition mitoyenne fait de vous des intermédiaires, des arbitres naturels entre les deux catégories extrêmes de la nation. Acceptez notre main en signe d’alliance, et votez avec nous. Ce que nous demandons, c’est la fusion des classes, c’est une réforme économique qui nous permette à tous d’arriver, par le travail et l’intelligence, à la propriété, et qui nous y maintienne... »

Un tel langage, aussi franc que modeste, a de quoi rassurer les plus timides ; et la bourgeoisie, la classe moyenne surtout, serait mal conseillée si elle s’en alarmait. Qu’elle le sache ou l’ignore, son véritable allié, son sauveur, c’est le peuple. Qu’elle reconnaisse donc de bonne grâce le droit des ouvriers à la représentation nationale, et cela, je le répète, non pas simplement comme citoyens et quoique ouvriers, mais bien PARCE QUE ouvriers et membres du prolétariat.

Cela posé, je passe à la seconde question. Il s’agit de savoir si, dans les circonstances actuelles, l’exercice du droit à l’éligibilité est bien pour la classe ouvrière le meilleur moyen d’arriver aux réformes qu’elle sollicite, si une semblable conclusion du Manifeste ne va pas contre le but que se proposent ses auteurs, si elle n’est pas en contradiction avec leurs principes ; en un mot, ce que le socialisme a pu faire en 1848 sans manquer à sa dignité et à sa foi, le peut-il sous le régime actuel ? Des hommes considérables dans la démocratie, que personne ne soupçonna jamais de pactiser avec l’ennemi, qui de leurs personnes s’abstiennent de voter, ont cru devoir néanmoins, par sympathie pour la classe ouvrière et pour témoigner de leur éloignement d’une opposition qui se méconnaît, faire une telle concession, et de me séparer sur ce point des Soixante.

J’ai le regret, tout en rendant justice à des sentiments que je partage, de ne pouvoir ne pas combattre la résolution des ouvriers et souhaiter bonne chance à leur candidature. Considérons que le gouvernement impérial, introduit par un coup d’Etat, a trouvé la principale cause de son succès dans la défaite de la démocratie rouge et socialiste, que telle est encore aujourd’hui sa raison d’être, qu’il ne l’a jamais perdue de vue dans sa politique, et que rien n’indique à l’heure présente qu’il ait la volonté ni même le pouvoir de changer. Sous ce gouvernement, la féodalité financière et industrielle, préparée de longue main pendant les trente-trois années de la Restauration et de la monarchie de Juillet, a complété son organisation et pris son assiette. Elle a soutenu l’Empire, qui l’a payée de sa protection. Les grandes compagnies ont formé leur coalition : la classe moyenne, véritable expression du génie français, s’est vue progressivement refoulée vers le prolétariat.

La République, en établissant le suffrage universel, donna à la démocratie un moment d’effervescence ; mais bientôt l’aristocratie conservatrice reprit la haute main, et quand arriva le coup d’Etat, on peut dire que le pouvoir appartenait d’avance à celui qui aurait le mieux servi la réaction contre les tendances socialistes. Nous pouvons dire, d’après cela, que sous le régime qui nous a été fait depuis 1852, nos idées, si ce n’est nos personnes, ont été mises, pour ainsi dire, hors la politique, hors le gouvernement, hors la loi ! L’usage de la presse périodique, conservé aux vieux partis, n’a été refusé qu’à nous seuls. Si parfois une proposition inspirée de nos principes s’est offerte au Pouvoir, elle a bientôt succombé, j’en sais quelque chose, sous la répulsion des intérêts contraires. En présence d’un état de choses où nous détruire est sauver la société et la propriété, que pouvons-nous faire si ce n’est d’accepter silencieusement notre réprobation, et puisque le gouvernement s’est laissé imposer cette condition draconienne, de nous séparer radicalement de lui ? Entrer dans son système, où nous sommes sûrs de rencontrer tous nos ennemis, anciens et nouveaux, ralliés à l’Empire et non ralliés, gens du ministère et gens d’opposition, accueillir des conditions assermentées, nous faire représenter au Corps législatif, ce serait un contresens, un acte de lâcheté ! Tout ce que, d’après la loi existante, il nous est permis de faire, c’est de protester aux grandes journées électorales, par le contenu négatif de nos bulletins. Ne perdez pas ceci de vue que, dans le système de compression qui pèse sur la Démocratie, ce n’est pas telle mesure financière, telle entreprise, telle dépense, telle alliance, tel traité, telle politique, telle loi que nous avons à discuter : on n’a que faire de nous pour cela ; notre opinion est d’avance réputée non avenue. Pareils débats sont le propre de l’opposition constitutionnelle, amie ou ennemie. Car toutes les opinions, excepté les nôtres, peuvent trouver place dans la Constitution ; en douteriez-vous, après cette clameur qui s’est élevée de toute part à la publication du Manifeste ? Or, pour nous affirmer dans notre séparatisme, nous n’avons besoin ni de représentants, ni de candidats, il ne nous faut, aux termes de la loi, que ce seul mot, veto, formule la plus énergique qui puisse révéler le suffrage universel.

Précisons notre pensée par quelques exemples :

Pouvons-nous, par la bouche, par la plume, par la main d’hommes véritablement à nous, prêter serment à la constitution de 1852, à laquelle nous voyons tous nos ennemis, légitimistes, orléanistes, ex-républicains, cléricaux, à l’envi, prêter serment ? Non, nous ne le pouvons pas, puisque ce serment, blessant pour notre dignité, incompatible avec nos principes, impliquerait de notre part, alors même que nous resterions, comme tant d’autres, après l’avoir prêté, ennemis personnels de l’empereur, une apostasie. La Constitution de 93, en fondant la souveraineté du Peuple, abolit le serment civique exigé par la Constitution de 91, et qui se réunit en ces trois termes : la Nation, la Loi, le Roi. Que Napoléon suive cet exemple, nous verrons après. En attendant, point de représentants, point de candidats !

Il en est qui disent que le serment imposé aux députés est sans valeur ; qu’il n’oblige pas celui qui le jure, du moment qu’en jurant, il entend prêter serment, sous le nom de l’empereur, à la nation ; qu’au surplus le serment n’implique point adhésion à la politique impériale. Enfin que ce n’est pas aux électeurs à s’embarrasser de ce scrupule, qui ne regarde que les candidats. Autrefois les jésuites possédaient seuls le secret d’alléger les consciences ; ce secret aurait-il passé à l’Ecole Normale ? Pareils moralistes, quelque réputation de vertu que leur fasse la réclame, doivent être réputés par la Démocratie socialiste les plus infâmes des humains. Donc point de représentants, point de candidats !

J’ai parlé tout à l’heure du monopole de la presse périodique instituée et dirigée spécialement contre nous. Nous savons, par le résultat des élections de mai, ce qu’il nous en a coûté pour avoir, pendant une semaine, frayé avec lui. Croyez-vous qu’il suffirait de supprimer l’autorisation ministérielle pour que ce monopole fût aboli ? Que vous seriez loin de compte ... Nous ne voulons ni peu ni prou d’un régime qui depuis douze ans déprave nos mœurs politiques, fausse les idées et égare l’opinion. Autoriser, pour six mois, pour un jour, par l’élection d’un député socialiste, une telle corruption de l’esprit public, serait nous déclarer complices de cette corruption, indignes de prendre jamais la parole. Donc, point de représentants, point de candidats !

Nous ne voulons pas des conditions dans lesquelles s’exerce le suffrage universel, et pourquoi ? Ce n’est pas seulement parce que les groupes naturels de population ont été subvertis par des circonscriptions arbitraires ; laissons aux compétiteurs du gouvernement impérial le soin de s’en plaindre en attendant qu’ils l’imitent. Ce n’est pas non plus pour l’intervention administrative. Dans des comices appelés à décider du sort du gouvernement, ceux qui crient le plus haut contre cette intervention ont soin de dire qu’à la place des ministres ils n’y renonceraient pas. C’est surtout parce que, avec le monopole d’une presse inféodée, avec les préjugés de centralisation régnant, avec la rareté et l’insuffisance des convocations, avec les doubles, les triples, les quintuples et les décuples candidatures ; avec cet absurde principe si cher aux coureurs d’élections, un vrai représentant de la France doit être étranger à ses électeurs ; avec le pêle-mêle des catégories, des opinions et des intérêts, les choses se trouvent combinées de manière à étouffer l’esprit démocratique dans ses manifestations corporatives et locales, aussi bien que ses manifestations nationales, à couper la parole aux multitudes, réduites aux bêlements des troupeaux, faute d’avoir appris à s’attester et à produire leur verbe.

Réclamer l’émancipation de la plèbe, et accepter au nom de la plèbe un mode d’élection qui aboutit tout juste à la rendre factieuse ou muette. Quelle contradiction ! Donc, point de représentants, point de candidats !

Remarquez, citoyens, qu’en tout ceci je ne fais que de la politique, j’évite à dessein les considérations économiques et sociales. Que de raisons nouvelles j’en ferais sortir contre cette fantaisie de candidatures, qui ne se fût pas emparée, à coup sûr, du peuple, si nous avions pu lui expliquer à temps cette proposition dont vous commencez sans doute à entrevoir la vérité : qu’autre chose est un vote d’opposition, et autre chose est un vote de protestation, autre un vote constitutionnel, assermenté, marqué du timbre du parquet, et autre un vote démocratique et social. En mai 1863, le Peuple a cru voter pour lui-même et comme souverain ; il n’a voté que pour ses patrons et comme client. Au reste, je sais qu’à cette heure vous ne vous faites plus illusion ; les candidats ouvriers, si je suis bien informé, le déclarent eux-mêmes. A quoi bon, alors, des représentants ? à quoi bon des candidats ?

Tout ce qui s’est fait depuis le 24 novembre 1860, dans le gouvernement et dans l’opposition, indique un retour au régime de 1830, modifié seulement par la substitution du titre d’Empereur à celui de Roi, et de la dynastie des Bonaparte à celle des d’Orléans. Ecartant la question dynastique, dont nous n’avons pas à nous occuper, pouvons-nous, démocrates, donner les mains à ce revirement ? Ce serait mentir à notre passé, adorer ce que nous avons brûlé, brûler ce que nous avons adoré. Or, c’est ce qui ne peut manquer d’arriver si nous nous faisons représenter dans un Corps législatif, dans une opposition aux trois quarts ralliée à l’idée de la monarchie constitutionnelle et bourgeoise. Donc, point de représentants, point de candidats !

Beaucoup, parmi les ouvriers, n’aperçoivent pas nettement ces incompatibilités profondes entre le régime politique, présent ou prochain, dans lequel on leur propose d’entrer, et leurs aspirations démocratiques et sociales. Voici qui leur fera toucher du doigt la chose :

Il est de principe, dans un pays bouleversé comme le nôtre par les révolutions, que les gouvernements qui se succèdent, tout en changeant de maximes, restent, vis-à-vis des tiers, solidaires les uns des autres, et acceptent à tour de rôle les charges que leur impose ce redoutable héritage. Or, c’est une condition que, le cas échéant, il nous est défendu de subir. Nous ne pouvons pas, nous les proscrits de 1848, 1849 et 1852, accepter les engagements, les transactions et tous les actes de pouvoirs créés en vue de notre extermination. Ce serait nous trahir nous-mêmes, et il importe que le monde le sache. La Dette publique, consolidée et flottante, capitalisée à 3 %, s’élève à cette heure à 14 milliards 600 millions.

Telle est l’expression financière des charges accumulées depuis 1789, et que se sont léguées tour à tour nos divers gouvernements. C’est le résultat le plus clair et le plus net de nos systèmes politiques, le plus beau titre à l’admiration de la postérité de soixante-quinze ans de régime conservateur et bourgeois. Nous accepterions, le cas échéant, la responsabilité de cette dette jusqu’au 24 juin 1848 ; mais nous sommes en droit de la rejeter depuis cette époque. Et comme on ne saurait admettre que la nation fasse banqueroute, ce serait à la bourgeoisie d’acquitter le surplus. A elle d’aviser. Donc, citoyens, point de représentants, point de candidats !

Il y a dans le manifeste des Soixante un mot malheureux. En politique, ils se déclarent d’accord avec l’opposition ; concession exorbitante, inspirée par la pensée généreuse de combler, au moins en partie, l’abîme qui sépare la démocratie de ses représentants, et qu’il faut mettre sur le compte des entraînements de la plume. Nous ne pouvons sincèrement pas être plus satisfaits de la politique de l’opposition que de ses idées économiques. La politique, dans un gouvernement, dans un parti, découle de ses idées économiques et sociales ; comment, si celles-ci sont fausses, celle-là serait-elle sans reproche ? La politique de l’opposition, ce ne sont pas les censures obligées que les partis s’adressent mutuellement sur leurs actes tels que l’expédition du Mexique, l’état de l’Algérie, l’accroissement du budget, etc. ; ce ne sont pas des démonstrations banales en faveur de la liberté, des jérémiades philanthropiques, des soupirs à propos de la Pologne, une adhésion plus ou moins explicite au traité de commerce. Sur tous ces points de pur détail nous aurions à faire, contre les critiques de l’opposition, d’importantes réserves, non seulement comme socialistes et communistes, mais comme politiques et démocrates.

La politique de l’opposition, c’est d’abord son antisocialisme déclaré, qui fatalement la rallie contre nous à la pensée réactionnaire. MM. Marie et Jules Favre nous l’ont dit, lors de la discussion de l’adresse, d’un ton à ne s’oublier jamais : Nous ne sommes pas socialistes ! A ces mots, l’Assemblée tout entière a éclaté en applaudissements ; pas une voix de protestation ne s’est fait entendre. Nous sommes donc autorisés à dire que, sur le principe même de leur politique, les membres de l’opposition prétendue démocratique sont d’accord avec le gouvernement ; ils sont plus anti-socialistes que le gouvernement lui-même ; comment n’en seraient-ils pas un jour les ministres ?

La politique de l’opposition, c’est son amour du parlementarisme, qui le ramènera, bon gré, mal gré, de concert avec la majorité impérialiste, au système de 1830 ; c’est sa passion centralisatrice et unitaire qui, en dépit de ses déclamations sur les libertés municipales, flagornerie à l’adresse des Parisiens, se trahit dans tous ses discours. Une haute centralisation peut seule, souvenez-vous-en, satisfaire de hautes ambitions, et vous vous en apercevrez si jamais, pour le malheur de la France, les hommes de l’opposition sont appelés à régenter à leur tour cette centralisation si chère.

La politique de l’opposition, c’est son serment constitutionnel dynastique ; c’est la solidarité acceptée par elle – ne fût-ce que par l’émargement de l’indemnité de député – dans les actes du gouvernement ; ce sont les compliments, les éloges, les remerciements qu’elle mêle à ses critiques, la part qu’elle prend à ses succès et à ses gloires.

La politique de l’opposition, c’est sa conduite aux élections de mai 1863. Alors nous l’avons vue, après avoir usurpé la dictature du scrutin, faire violence aux suffrages, recommander partout les candidatures les plus inconciliables avec l’esprit de la Révolution, se montrer plus intrigante, plus tyrannique, plus corruptrice que l’administration, sur laquelle, pour se blanchir, elle s’est efforcée ensuite de détourner l’animadversion publique. Ah ! les élections de mai et juin 1863, faites par une opposition qui se posait en puritaine, ces élections ont absous le vote de Décembre 1851 : y avez-vous réfléchi, citoyen ?

Voilà ce que c’est que la politique de l’opposition. Et vous lui enverriez des collègues ? Non, non ! point de représentants, point de candidats !

A ceux qui maintenant nous reprocheraient d’arrêter l’élan populaire, et qui auraient encore le courage de faire sonner le titre qu’ils se sont décerné, il y a neuf mois, d’hommes d’action, je répliquerai que les inactifs, les inertes, les endormeurs, ce sont eux-mêmes, eux, dont la belle discipline a si bien servi les vues de la réaction, et fait perdre d’un seul coup à la Démocratie trente années de vertu civique, de sacrifices et de propagande. Qu’a-t-elle donc produit, cette action rigoureuse ?

1. Déclaration tonnante de MM. Marie et Jules Favre : Nous ne sommes pas des socialistes ! Oui ! vos représentants vous ont désavoués, reniés, comme en 1848 ; ils vous déclarent la guerre, et vous vous félicitez de votre action ! Attendez-vous qu’ils vous crachent au visage ?

2. Résultat déplorable du serment. La démocratie, conduite par ses nouveaux tribuns, s’est imaginé follement que le serment d’obéissance à Napoléon III, et de fidélité à la Constitution de 1852, ne pouvait être dans la bouche de ses représentants qu’un sublime parjure. Elle s’est grisée de cette idée, et elle s’est misérablement trompée. Nos députés assermentés n’auront pas plus le courage de violer leur serment que de le tenir. Les voyez-vous louvoyer, faire le plongeon, nager entre Ies eaux de la trahison et de la fidélité ? Traîtres à la démocratie quand ils s’approchent de l’Empire, traîtres à l’Empire quand ils s’approchent de la démocratie. Conseillers privés et commensaux de Sa majesté, ce sont encore les plus honnêtes, les moins tartufes. Grâce cependant à cette politique, la Restauration du système orléaniste, sous le pilotage de M. Thiers, marche à vue d’œil. M. Thiers et ses amis, posant en principe la monarchie comme essentielle à l’organisation du pouvoir, et se déclarant, en vertu du même principe, indifférents au choix de la dynastie, simple question de personnes, selon eux, sont ici parfaitement à l’aise. Rien ne les empêche de prêter serment, et plus Napoléon III leur fournira l’occasion de le tenir, plus ils seront satisfaits. Aussi, depuis la prestation de tous ces serments, d’une signification si haute, si positive chez les orléanistes, mais que le pays ne voit qu’avec dégoût chez les démocrates, le parti de la monarchie constitutionnelle et parlementaire s’est complètement relevé ; appuyé de la fraction la plus considérable et la plus éclairée du bonapartisme, il se croit assuré de la victoire ; il a conquis sur le parti républicain le seul avantage qui lui fût resté depuis 1852, avantage de la logique et de l’honnêteté politique.

3. Conclusion de cette lamentable intrigue : la démocratie, dont la prépondérance devait être définitivement établie par le scrutin de 1864, un instant saluée après l’élection des neuf, comme souveraine, ne compte plus maintenant, et jusqu’à nouvel ordre, que comme l’instrument d’un replâtrage politique, contre lequel tout notre effort doit être désormais de nous défendre.

Pour nous, que l’on a osé qualifier d’inertes, de puritains, de pointus, d’eunuques parce que l’on savait que nous ne pouvions répondre, voici ce que nous avons fait et ce que nous avons obtenu. Notre succès a été assez beau pour que nous ne nous découragions pas :

Nous nous sommes dit d’abord :

« Nous possédons de notre chef, antérieurement à la Constitution de 1852, la faculté électorale.

« Nous avons le droit de voter ou de ne pas voter.

« Si nous votons, il nous est loisible d’opter entre le candidat de l’administration et celui de l’opposition, comme aussi de protester contre l’un et l’autre, en choisissant un candidat d’une couleur opposée à tous deux (c’est ce que proposent les auteurs du manifeste).

« Nous avons le droit, enfin, de protester contre toute espèce d’élection, soit par le dépôt de bulletins blancs, soit en votant pour un citoyen qui ne réunirait pas toutes les conditions d’éligibilité, qui, par exemple, n’aurait pas prêté serment, si nous jugeons que la loi électorale, telle qu’elle se pratique, n’offre pas de garanties suffisantes au suffrage universel, ou pour toute autre cause. »

La question était donc de savoir quelle serait pour nous la manière de voter la plus utile. Ceux qui ont prétendu que le vote devait être nécessairement désignatif d’un candidat, que le suffrage universel était par lui-même dépourvu de signification, et qu’il tirait toute sa valeur du choix d’un homme, ceux-là ont imposé au public, ils ont menti.

Nous nous sommes donc décidés pour le vote de protestation, par bulletin blanc ou équivalent, et tel est le résultat que nous avons obtenu :

Sur 64 départements dont nous avons pu faire le relevé, il y a eu 63.000 protestations, dont 4.556 pour Paris, soit, en faisant la proportion, environ 90.000 pour la France.

Nous nous fussions comptés 100.000 à Paris, et un million dans les quatre-vingt-neuf départements, s’il nous avait été permis de faire entendre notre voix et d’expliquer notre pensée.

Ces votes disséminés ont eu la puissance de faire échouer plusieurs candidatures de soi-disant opposition démocratique. Ils les eussent fait échouer toutes, et le gouvernement serait resté seul, avec ses élus, en face de la démocratie protestante, si la presse du monopole n’avait étouffé notre voix.

Croyez-vous que ces 90.000 votants, qui, malgré leur silence forcé, malgré la calomnie, malgré l’entraînement populaire, sans avoir pu communiquer ou s’entendre, ont su se tenir, et, par leur protestation, conserver l’inviolabilité de la Démocratie, soient une minorité sans vertu ? Croyez-vous que ce parti, faible en apparence par le nombre, manque d’énergie ? Nous étions vingt, et notre cri a été entendu à travers le vacarme de l’opposition par 90.000 hommes. Supposez que les 153.000 de la capitale, qui ont voté pour les neuf, eussent protesté à notre exemple, croyez-vous que cette protestation eût été de moindre effet que les harangues dont nous a régalés l’opposition ? Qu’en dites-vous, à présent, citoyens ? Est-ce que devant le veto de 160.000 électeurs, augmentés d’une partie des 86.000 qui se sont purement et simplement abstenus, les candidats de l’administration, avec leur total de 82.000 voix, se seraient vantés de représenter la capitale ? Serions-nous instruits, sur l’état de nos finances, et sur la situation européenne, et sur les influences électorales, et sur tant d’autres choses dont le gouvernement et ses amis nous parlent si volontiers, parce que nous n’aurions pas entendu les plaidoyers d’une demi-douzaine d’avocats ? Ne vaudrait-il pas mille fois mieux, pour l’honneur de la Démocratie et pour son avenir, avoir laissé le gouvernement se débattre avec ses propres représentants, laver son linge sale en famille, comme disait Napoléon 1er, que d’avoir pollué notre conscience, jusque là pure de serment.

Démocrates, votre conduite est tracée. Une réaction aveugle a entrepris, depuis quinze ans, de vous jeter hors le droit, hors le gouvernement, hors la politique. La situation qui vous est faite, ce n’est pas vous qui l’avez créée ; elle est le fait de la conjuration des vieux partis. Une même pensée les gouverne et cette pensée est incompatible avec la réalisation de cette justice, politique, économique et sociale, que vous appelez de vos vœux. Un même serment les unit, symbole de leur alliance, piège tendu à la vanité et au zélotisme des démocrates. Ce n’est pas votre faute si, retranchés de leur communion, vous êtes condamnés à user envers eux de représailles. C’est pourquoi je vous le dis de toute l’énergie et de toute la tristesse de mon âme : Séparez-vous de qui s’est le premier séparé, séparez-vous, comme autrefois le peuple romain se séparait de ses aristocrates. Separamini popule meus [2]. C’est par la séparation que vous vaincrez ; point de représentants, point de candidats !

Eh quoi ! après vous être déclarés les égaux de la bourgeoisie, les dépositaires de l’idée nouvelle l’espoir des générations futures ; après avoir révélé au monde l’immensité de vos destinées, vous n’imagineriez rien de mieux que de reprendre en sous-œuvre ces vieilles institutions bourgeoises dont le gouvernement lui-même vous a dénoncé cent fois l’inanité et les corruptions ! Vous rêveriez doctrine, bascule représentative et parlementage ! Quand vous pouvez être originaux, vous vous feriez platement copistes. Il n’est, croyez-moi, qu’une conclusion logique au manifeste des Soixante, c’est que la démocratie ouvrière déclare, par son vote, qu’elle désavoue l’opposition et qu’elle renonce, jusqu’à des temps meilleurs, non à voter, mais à se faire représenter. Par le manifeste, la démocratie ouvrière s’est posée en patricienne ; par l’élection d’un représentant vous retomberiez au rang d’affranchis. Existe-t-il parmi vous un homme hors ligne ? Votez-lui une couronne civique, n’en faites pas un prostitué, n’en faites pas un candidat.

Pour moi, je ne crois pas avoir besoin de vous le dire, je persiste dans mes résolutions. N’eussé-je d’autre motif de persévérance que le souvenir des événements auxquels j’ai été mêlé, des choses auxquelles j’ai pris part, des espérances que j’ai contribué à exciter, par respect et pour la mémoire de tant de citoyens qui ont souffert et qui sont morts, depuis 1848, pour le triomphe des libertés populaires, que j’ai connus dans les prisons et dans l’exil, je me refuserais à toute transaction et je dirais : Point de représentants, point de candidats !

Je vous salue, citoyens, fraternellement.

[/P.-J. Proudhon./]

* * *

SUR LA PENSÉE DU MANIFESTE [3]

Lettre de Proudhon à quelques ouvriers de Paris et de Rouen [4] qui l’auraient consulté sur les élections

[/Décembre 1864/]

Citoyens et amis,

Cet ouvrage a été conçu sous votre inspiration : il vous appartient.

Vous me demandiez, il y a dix mois, ce que je pensais du Manifeste électoral publié par soixante ouvriers de la Seine. Vous désiriez surtout savoir si, après vous être prononcés aux élections de 1863 par un vote négatif, vous deviez persister dans cette ligne, ou si, en raison des circonstances, il vous était permis d’appuyer de vos suffrages et de votre influence la candidature d’une camarade digne de vos sympathies.

Sur la pensée même du Manifeste mon opinion ne pouvait être douteuse, et, en accusant réception de vos lettres, je vous l’ai franchement exprimée. Certes, je me suis réjoui de ce réveil du Socialisme ; qui donc en France aurait eu plus que moi le droit de s’en réjouir ? ... Sans doute encore, j’étais d’accord avec vous et avec les Soixante que la classe ouvrière n’est pas représentée et qu’elle a droit de l’être : comment eussé-je pu être d’un autre sentiment ? La représentation ouvrière, s’il était possible qu’il y en eût une, ne serait-elle pas, aujourd’hui comme en 1848, au point de vue politique et économique, l’affirmation officielle du socialisme ?

Mais de là à participer à des élections qui eussent engagé, avec la conscience démocratique, ses principes et son avenir, je ne vous l’ai pas dissimulé, citoyens, à mes yeux il y avait un abîme ... Et je puis ajouter que cette réserve, de vous parfaitement accueillie, a reçu depuis lors la sanction de l’expérience.

Où en est la Démocratie française, jadis si fière et si pure, et qui, sur la foi de quelques ambitieux, s’est imaginée tout à coup que, moyennant un faux serment, elle allait marcher de victoire en victoire ? Par quelle idée neuve et forte s’est révélée notre politique ? Quel succès depuis dix-huit mois a signalé l’énergie de nos avocats et récompensé leur faconde ? N’avons-nous pas été témoins de leurs perpétuelles défaites, de leurs défaillances ? Dupes de leur vain parlementarisme, ne les avons-nous pas vus, sur presque toutes les questions, battus par les orateurs du Gouvernement ? Et naguère, lorsque traduits en justice pour délit d’association et de réunion non autorisée, ils ont eu à s’expliquer à la fois devant le Pays et devant le Pouvoir, n’ont-ils pas été confondus par cette légalité à laquelle ils nous conviaient et dont ils se posaient comme les interprètes [5] ? Quelles pitoyables intrigues ! Quelle défense plus pitoyable encore ! Je vous en ferai juges... Après tant de si bruyants débats, pouvons-nous nier, enfin, qu’au fond nos représentants n’ont pas d’autres idées, d’autres tendances, d’autre politique que la politique, les tendances et les idées du Gouvernement ?

Aussi, grâce à eux, en est-il désormais de la jeune démocratie comme du vieux libéralisme, auquel on s’efforce de l’accoupler : le monde commence à se retirer de tous deux. La vérité, se dit-il, le droit et la liberté, ne sont pas plus de ce côté que de l’autre.

Il s’agit donc de révéler au monde, sur des témoignages authentiques, la pensée, la vraie pensée du peuple moderne ; de légitimer ses aspirations réformatrices et son droit à la souveraineté. Le suffrage universel est-il une vérité ou une fiction ? De nouveau il a été question de le restreindre, et il est certain qu’en dehors des catégories travailleuses, très peu le prennent au sérieux.

Il s’agit de montrer à la Démocratie ouvrière, qui, faute d’une suffisante conscience d’elle-même et de son Idée, a porté l’appoint de ses suffrages sur des noms qui ne la représentent pas, à quelles conditions un parti entre dans la vie politique ; comment, dans une nation, la classe supérieure ayant perdu le sens et la direction du mouvement, c’est à l’inférieure de s’en emparer, et comment un peuple incapable de se régénérer par cette succession régulière est condamné à périr. Il s’agit, le dirai-je ? de faire comprendre à la plèbe française que si, en 1869, elle s’avise de gagner pour le compte de ses patrons encore une bataille comme celle qu’elle leur a gagnée en 1863-64, son émancipation peut être ajournée d’un demi-siècle.

Car, et vous n’en doutez pas, amis cette protestation par bulletin blanc [6], si peu comprise, si mal accueillie, mais dont le public s’inquiète toujours, et que le monde politique se met de toutes parts à pratiquer ; cette déclaration d’absolue incompatibilité entre un système suranné et nos aspirations les plus chères ; ce stoïque veto, enfin, lancé par nous contre de présomptueuses candidatures, n’était rien de moins que l’annonce d’un nouvel ordre de choses, la prise de possession de nous-mêmes comme parti du droit et de la liberté, l’acte solennel de notre entrée dans la vie politique, et, si j’ose le dire, la signification au vieux monde de sa prochaine et inévitable déchéance...

Je vous avais promis, citoyens, de m’expliquer avec vous sur ces choses ; je tiens aujourd’hui ma promesse. Ne jugez pas de ce volume par son étendue, que j’eusse pu réduire à quarante pages [7] : vous n’y trouverez rien de plus qu’une idée, l’IDÉE de la Démocratie nouvelle. Mais j’ai cru utile de la présenter, cette Idée, en une suite d’exemples, afin qu’amis et ennemis sachent une fois ce que nous voulons, et à qui ils ont affaire.

Recevez, citoyens et amis, mes salutations fraternelles,

[/P.-J. PROUDHON/]