Georges Sorel et le syndicalisme révolutionnaire
Jacques Rennes

Jacques Rennes 1875-1970 : Après avoir été diplômé l’école nationale vétérinaire d’Alfort, Jacques Rennes fait son service militaire comme officier à Saumur et part trois ans en Algérie du Sud. Il devient ensuite directeur des services vétérinaires de la Somme, puis de la Seine-et-Oise. Il écrit plusieurs ouvrages de référence pour prévenir les maladies dues à une mauvaise hygiène dans les zones rurales.

Il a par ailleurs contribué à la définition de la notion d’action directe (sur le plan du syndicalisme) : c’est pour lui l’expression éthique et héroïque "du prolétariat révolutionnaire". Il attribue à l’action la primauté sur la pensée. Il appelle à la rescousse Proudhon – prolétaire né mais penseur – et Sorel – bourgeois intellectuel mais clairvoyant – afin de donner corps à sa démonstration. Par là, il les classe, l’un comme moniteur, et l’autre comme serviteur désintéressé...du prolétariat.

Faisant siens les écrits de Émile Pouget et Victor Griffuelhes, relatifs à l’action directe, Jacques Rennes écrit, à la suite de Maxime Leroy, que « l’action directe n’est pas seulement un acte de combat corps à corps, mais un acte de construction, un acte institutionnel (...) l’action directe s’étend ainsi de la grève à la création de bibliothèques populaires (...) parmi cent autres institutions. ».

Jacques Rennes assigne, par ailleurs, d’autres dimensions à l’action directe. Ainsi la lutte contre le militarisme, le sabotage – la ruse substituée à la violence
–-, le boycottage sont-ils considérés comme les contenus révolutionnaires de l’action ouvrière en marche. Jacques Rennes, fidèle à l’essence de la Charte d’Amiens, attribue au syndicalisme le rôle moteur dans la transformation de la société. Il décrit l’action directe comme « le procédé de commencement, de développement et de fin du syndicalisme »

Article mis en ligne le 6 mai 2022
dernière modification le 8 mai 2022

par Eric Vilain

La prétendue versatilité de G. Sorel, en matière politique ou de doctrine, ne saurait lui être imputée valablement à grief. Il déclarait qu’on ne doit pas, en tout, penser de même au début et à la fin d’une existence de recherche et de méditation. A quoi servirait l’étude consciencieuse des faits et des choses, si elle n’autorisait à rectifier des erreurs de jugement ? Il n’avait rien à dissimuler des variations de sa pensée, ayant toujours apporté une entière bonne foi dans ses recherches.

En fait, il accueillait toute idée et tout événement, d’où qu’ils vinssent, pour les soumettre au feu de la critique ; et s’il retirait du creuset quelque notion juste en faveur de l’adversaire, il l’exposait impartialement.

Les uns avec satisfaction, les autres avec reproche, lui ont attribué une influence notable sur deux grands conducteurs de peuples ; et l’un d’eux l’aurait confirmé. Mais G. Sorel eût-il inspiré des vocations, il ne les a pas dirigées. On sait d’ailleurs à quels écarts de doctrine se livrent les hommes d’action, à tort ou à raison, quand les circonstances commandent ; ils renient aussi bien leur formation intellectuelle que leur origine sociale, ou bien ils s’en attribuent d’empruntées.

Ni Lénine, ni Mussolini, en tout cas, pour avoir lu G. Sorel et pour l’avoir traité, l’un de brouillon, l’autre de maître, ne peuvent être tenus pour ses disciples authentiques. Il voyait plus juste en expliquant qu’à une même époque, en présence des faits, les mêmes idées peuvent surgir en des esprits attachés aux mêmes problèmes.